Comme on le sait, notre dindon est principalement originaire des États-Unis et du Mexique, d’où provient la sous-espèce domestique du Dindon... « sauvage » (Meleagris gallopavo gallopavo). Au sud de son aire de distribution (péninsule du Yucatán), on trouve également le Dindon ocellé.
L’histoire est bien connue : les premiers découvreurs de l’Amérique croyaient être arrivés en Asie méridionale. C’est ainsi, par exemple, que les habitants du Nouveau Monde ont été nommés Indiens (et beaucoup plus tard Amérindiens), et que les Antilles sont devenues les Indes occidentales (en anglais, l’expression West Indies est encore largement employée). D’autres noms issus de cette confusion géographique sont parvenus jusqu’à nous : cochon d’Inde (originaire des Andes), œillet d’Inde (aire allant du Mexique à la Bolivie), blé d’Inde (Amérique du Nord), etc.
L’espèce qui nous intéresse a été ramenée en Europe en 1521 par les conquistadors, qui étaient alors occupés à coloniser le Mexique. Bien entendu, comme ils se croyaient en Inde, ils lui ont donné le nom espagnol de pavón de las Indias (paon des Indes); en latin médiéval, on trouve aussi gallina de India (poule d’Inde). En français, l’espèce a d’abord été nommée coq d’Inde (mâle), poule d’Inde (femelle) et poulet d’Inde (jeune), puis tout simplement dinde (nom commun attesté en 1600).
Ce fut le début d’une époque de grande confusion terminologique. Dans les premiers temps, certains naturalistes croyaient que notre Dindon sauvage appartenait à la même espèce que la Pintade de Numidie, originaire d’Afrique et à laquelle il ressemble vaguement. On dit que la pintade était importée d’Afrique en Europe par la Turquie. Ce qui explique qu’en anglais, on la nommait Guinea fowl (volaille de Guinée), Turkey fowl (volaille de Turquie) ou Turkey hen (poule de Turquie) ou tout simplement turkey (Turquie); à partir du 16e siècle, c’est ce dernier nom qui a fini par désigner le dindon lui-même, puisqu’on confondait les deux espèces. À noter que pour les Européens de l’époque, la « Turquie » semblait aussi être un terme plutôt vague qui pouvait désigner n’importe quelle contrée lointaine et exotique.
Lorsque les deux espèces ont enfin été dissociées, Linné (18e siècle) a créé pour le dindon un nouveau genre qu’il a cru bon de nommer Meleagris, un choix bien malheureux puisque c’était déjà le nom spécifique de la Pintade de Numidie elle-même (Numida meleagris)!
Dans notre imaginaire folklorique, le dindon ne se distingue pas particulièrement par ses capacités intellectuelles (ajoutons que de nombreux autres oiseaux font l’objet de telles calomnies). Dans la langue familière, dindon et dinde ont une connotation franchement péjorative, comme en témoignent ces définitions :
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Dinde, dindon : crétin, homme stupide.
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Dindon de la farce : victime d’une plaisanterie ou d’une escroquerie dont on se moque.
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Dinde : femme stupide et prétentieuse, tarte.
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Coq d’Inde ou codinde : personne niaise, imbécile, bête.
En anglais, a turkey peut être un crétin, mais aussi un film sans intérêt (navet).
Sources :
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WALTER, Henriette, Pierre AVENAS. La mystérieuse histoire du nom des oiseaux, du minuscule roitelet à l’albatros géant. Robert Laffont, 2007.
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Wikipedia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Dinde, « dinde », consulté le 29 février 2024.
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Wikipedia. https://en.wikipedia.org/wiki/Wild_turkey, « wild turkey », consulté le 29 février 2024.
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CABARD, Pierre, Bernard CHAUVET. L’étymologie des noms d’oiseaux. Belin Éveil Nature, 2003.
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Dictionary.com. http://www.dictionary.com/e/turkey/?param=wotd-email&click=4frirb&utm_source=Sailthru&utm_medium=email&utm_campaign=Live%20WOTD%20Recurring%202017-11-25&utm_term=wordoftheday, « Which Turkey came first, the bird or the country? », consulté le 29 février 2024.
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DULONG, Gaston. Dictionnaire des canadianismes. Larousse, 1989.